vendredi 14 juillet 2017

Retour sur les circonstances du licenciement du Cardinal Müller




Rédigé par : Marco Tosatti (Stilum Curiae)
Journaliste et vaticaniste à La Stampa



Le 14 juillet 2017




J’ai laissé passer quelques heures avant de reparler du Cardinal Müller et du Pape.

Il y a trois jours, le site américain OnePeterFive publiait une reconstruction de la dernière audience du pape au préfet de la Congrégation pour la foi : celle au cours de laquelle il lui avait signifié la non-reconduction de son mandat.

Cela m’avait semblé intéressant. OnePeterFive est un site sérieux et bien informé. L’auteur de l’article, Maike Hickson, est une collègue extrêmement précise et fiable, spécialement en ce qui concerne l’Allemagne.

Par conséquent, j’ai traduit une partie de son article avec un lien vers l’original. Il était clair, je l’avais d’ailleurs dit et écrit, qu’il ne s’agissait pas d’un article de mon cru. Je ne faisais que relayer un reportage effectué par d’autres. Par souci d’honnêteté, l’information n’émanait pas de moi et je n’avais effectué aucune recherche à ce sujet, il était donc juste d’en attribuer le mérite à qui de droit.

Et, de fait, j’écrivais : « Jusqu’à maintenant, il n’a pas été possible d’obtenir une confirmation ou un démenti de ce récit que, cependant, vu la fiabilité des sources, OnePeterFive tend à considérer comme authentiquel. »

Peu après, nous recevions un email de démenti de la part de Greg Burke, le directeur de la salle de presse du Saint-Siège, je l’ai publiée en modifiant le titre de l’article en conséquence pour en tenir compte.

C’est pourquoi cela m’a surpris et fait réfléchir de voir comment certains collègues n’ont pas hésité à m’attribuer l’article en publiant le démenti du Cardinal Müller sur la reconstitution de l’entrevue. Je n’ai aucun problème à prendre des risques et à anticiper les informations que d’autres ne publient pas, comme par exemple celle du licenciement injustifié de trois collaborateurs du Cardinal Müller sur ordre du pape, une nouvelle qui avait été confirmée par la suite. Je dirais même qu’il s’agit d’un des plaisirs de ce métier. Autrement, nous nous limiterions à jouer les passe-plats. Mais je n’apprécie guère que l’on m’attribue ce qui appartient à d’autres. Ou que l’on m’attribue des « fake news » ou que l’on me prête des intentions obscures comme un collègue s’est permis de le faire.
Je dois avouer que dans une certaine mesure, aussi bien la lettre de Greg Burke que cette attribution indue me font plaisir. Cela dénote une marque d’attention envers mon travail, aussi humble soit-il, et le signe qu’il n’est pas insignifiant. Si mon blog Stilum Curiae n’était pas suivi, ces opérations – y compris celles qui consistent à m’attribuer ce qui n’est pas de moi – n’auraient pas lieu.

Sur le fond de cette histoire, j’ai quelques considérations à faire. Admettons que dans un contexte convivial, le Cardinal Müller se soit laissé aller à des confidences qu’il n’aurait pas dû faire et que quelqu’un l’ait entendu et rapporté ; si nos collègues américains de OnePeterFive ont préféré encaisser un démenti prévisible de la part du Vatican et du Cardinal plutôt que de démontrer à tout prix la fiabilité de leurs sources et de leurs informations, cela n’aurait rien d’étonnant pour quelqu’un qui est dans le métier depuis un demi-siècle. Ce resterait simplement dans l’ordre des choses. Tout comme le démenti de Müller n’a rien d’étonnant. Ces quatre dernières années, il a avalé des couleuvres de toutes les couleurs et de toutes les tailles par souci de ne pas irriter son chef. Qu’est-ce qu’un démenti pouvait bien lu coûter, surtout s’il s’agissait d’une indiscrétion éventuelle faite sous le coup de l’émotion (encore sonné comme on dit à Rome).

Je me risquerais donc à émettre une hypothèse. Je ne pense pas que cette histoire en restera là. Parce dans cette histoire, il y a trop de détails, trop de circonstances qui nous empêchent de penser qu’il s’agisse d’une sympathique invention. Je pense qu’il sera intéressant de suivre les médias allemands au cours des prochains jours.

Derrière cela, il faut sans doute rappeler à ceux qui crient à la « fake news », contre-vérité en bon français, que nous sommes en train d’analyser les détails d’un épisode d’une extrême gravité. Autrement dit, nous sommes en train de nous demander si le coup de pied que Müller a reçu au derrière a été donné avec un chausson de ballerine ou avec des chaussures de montagne. Cela n’en demeure pas moins un coup de pied et qui plus est sans précédent dans l’histoire de ces dernières années, et sans raison. Müller lui-même, le conciliant Müller qui espère encore pouvoir jouer un rôle de médiateur entre le Pape et ses critiques l’a lui-même déclaré: « Je ne peux accepter un style de ce genre ». Et le simple fait que le Cardinal, tout soucieux qu’il soit de ne pas se mettre son chef à dos, ait prononcé une phrase comme : « La doctrine sociale de l’Église doit s’appliquer à également à Rome » dans les relations avec les collègues de travail me semble bien plus grave que le fait de savoir si oui ou non le Pape lui a posé des questions étranges ou s’il est parti sans lui dire au revoir. Fake news ? Par pitié…

S’agit-il d’un cas isolé ? Josè Arturo Quarracino, le neveu du Cardinal Quarracino qui fut archevêque de Buenos Aires, a répondu à un commentaire sur Stilum Curiae en disant ceci : « Je suis le neveu de feu le Cardinal Antonio Quarracino (le prédécesseur de celui qui allait devenir Mgr Bergoglio dans l’archidiocèse de Buenos Aires) et je suis argentin. Je connais celui qui est aujourd’hui le pape François depuis 1973. Je l’ai vu se comporter en « propriétaire » de l’Universidad del Salvador et comme pasteur de la capitale. Je ne veux pas me répandre en détails mais ce qui est décrit dans l’article correspond assez bien à la manière de faire de celui que j’ai connu comme Cardinal archevêque et chancelier universitaire. Comme le dit l’expression, « si ce n’est pas vrai, c’est bien inventé ».

Le neveu du Cardinal considère que la reconstruction de OnePeterFive est authentique : « Je ne crois pas une seule seconde que le Cardinal Müller ait menti. Je connais bien le ‘terrorisme jésuitique’ exercé par soif du pouvoir, le réseau d’informateurs éparpillé dans les zones d’influence ainsi que les subterfuges et ambiguïtés par rapport à certaines questions fondamentales. Entre l’article et les déclarations du porte-parole du Vatican, je m’en tiens à la première version, sans hésiter ».

Et il me semble qu’il a raison.

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